Changer...

Changer…parmi les verbes d’état, d’expression ou d’action est un autre verbe qui ne demande jamais : pourquoi?

Changer est un verbe de vie et donc de risques, qu’ils soient aléatoires, hostiles ou indéterminés.

Mais que représente l’aléa à tous ces gens d’Europe encore moulés dans la pierre taillée du certain, du connu, la pierre polie de l’habitude, le bronze du répétitif, sans exception possible, sans autre probabilité qu’assurance de lendemains qui chantent et d’Etat-Providence ?

Mais que représente à des yeux bleus de blonds gaulois l’hostile, ou bien l’antagoniste, pour qui l’essentiel est de participer, pour qui le coq, tigre de papier, est toujours le meilleur, eux qui ne savent descendre ensemble sur un terrain de jeu, se battre, dans des limites données, dans des règles acceptées ou non, devant arbitre, et alors tirer plus vite que leur ombre ; donc tenter de réussir leur coup, de gagner !

Mais c’est l’incertain qui s’oppose le mieux au certain des neurones de tous les Candide, tous les Pangloss, fermés au flou de la logique d’autres mondes, craignant l’irrationnel du ciel qui tombe sur leurs têtes ! Oui, tout est possible, et à l’impossible nul n’est tenu ; en arrogance et inconscience policées, cela se dit : impossible n’est pas français !

Changer est un verbe de but : pour quoi changer en effet ? Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va.

Mais sur le vieux continent le chef est prophète en son pays, il dit toujours où le futur à venir conduira ses pas, nos pas, il saura toujours, si jamais quelque doute et quelque honnêteté l’obligeaient, feindre rester l’organisateur et le maître des événements ! 

Mais sont-ce buts crédibles que l’euro fort, le sans-déficit, le sans-dette ? Que de tomber amoureux d’un taux de croissance ou de productivité ? Que de demander, encore et toujours, des efforts, du sang, du sérieux ? Dans cette vallée de larmes enkohlées, blairisée ici, jospinée là,
l’amour des mots cache mal la justesse des idées, quand le politiquement correct est de ne plus tricher sur les taux, quand les affaires ne se feront que légales, qui devient la morale, quand nombreux sont ceux plus coupables que responsables.

Quelle planète bleue bébé nouveau-né connaîtra-t-il à notre âge ?

Mais l’espérance à l’âme, l’espoir chevillé au corps, le peuple ne change que pour des besoins réels, et innombrables, à satisfaire. 

Moins d’injustice non plus de justice, plus de Justes et moins de justiciers !

Moins de corps qui souffrent de faim, de froid, d’air malsain et de misère et non toujours plus d’hôpitaux, de médicaments, de drogues !

Moins d’aumônes déguisées, qui infantilisent et réduisent l’individu, plus de tâches simples, productrices de richesses matérielles et humaines !

Moins d’ordre imposé par un Etat régisseur des classes, des masses, par un quelconque Messie des premiers temps de l’Humanité, et plus de libre arbitre, de responsabilité personnelle, sur le terrain !
Moins d’égoïsme, d’isolement, d’exclusion et plus de ces liens palpables et odorants, d’amour et de haine mêlés, dans une communauté de travail renaissante, dans une banlieue minée par la mégapole, dans une région d’Europe déclinante, d’Amérique triomphante, d’Asie émergeante...

Changer est surtout un verbe de manière , et même de bonnes manières... quatre d’entre elles font réussir !

Comment changer ? si l’on ne sait allier fond et forme, gant de fer et main de velours, rester soi-même et être ensemble…

Certes "ils" ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve ; celui d’aller voir ce qu’il y avait derrière la prochaine colline, rupture qui venait vers nous comme le troupeau de bisons, ou tentation prenante d’herbe tendre, de vérité au-delà.

Certes "ils" ont réussi, par ignorance et parce qu’ils ont eu de la chance ; mais c’était leur seule façon de briser les chaînes de la caverne et ce fût leur vraie manière de renverser les montagnes.

Certes force peut rester à la loi ; du pauvre écolier japonais au salarié d’un groupe, à l’étranger bazané, mais "naturelle" l’autorité se mesure, pour changer, à l’aune de son acceptabilité ; égyptiens et chinois furent les seuls à reproduire mille ans leur ordre civilisé.

Certes si je me connais moi-même pour quoi d’autre me mettre en question et m’échiner à devenir autre ; si je suis bien avec d’autres, quelles garanties aurons-nous de meilleurs échanges !

Comment changer ? si l’on ne trouve à s’adapter au milieu et anticiper les tendances et obliger le futur.

Pour s’adapter à ce qui devenait savane, le singe, ce fort à bras, descendit de son arbre et se redressa sur ses jambes, pour voir… un peu plus loin que les hautes herbes, et sa main libérée inventer l’outil. Adapté à ce qu’il connaît, derrière sa ligne Maginot, monté sur sa muraille de certitudes, de pratiques-"maison", combien, fort en gueule, ne voit pas… l’eau se raréfier, les dollars proliférer, Internet s’infiltrer, partout et toujours l’anglo-saxon s’imposer ?

Pour anticiper un avenir qui a déjà commencé, comptons les bébés : phoques, dauphins, éléphants, humains. Ils portent l’avenir, qui m’intéresse : j’y passerai le reste de mes (pôvres) jours ! Comptons les heures : de santé, de travail, de famille, de rituel, d’évasion... Faut-il se lamenter de ne pas voir le T de Tendances si différent de celui des Traditions ?

Pour obliger le futur à avoir lieu, l’urgent n’est pas d’être roi ! L’essentiel, dans son propre royaume _ toujours relatif _ est peut-être d’être maître de soi, de bien s’entourer, de décider de certaines choses et pas d’autres. Ainsi Alexandre chevaucha-t-il son empire jusqu’aux Indes. Ainsi Ronald et Mikhaïl s’entendirent-ils pour stopper leur guerre froide. Désarmant n’est-ce pas? Au mur de Berlin les foules n’en sont pas revenues !


Jacques d’Oc, human publishing house, london may 1997