Un chemin de conscience de soi…

Tous les chemins ne mènent pas à Rome ! ni à Santiago ! ni à La Mecque !
S’il en est UN qui importe, c’est celui de DÉCOUVERTE de SOI ... que l’on fait une fois dans sa vie, sinon deux.

1 — Sur ce chemin de soi l’on devient PÉLERIN.

Étymologiquement c’est un expatrié, un inconnu qui effectue un VOYAGE vers un endroit qui renferme quelque chose de sacré pour lui, fût-ce son bonheur, sa psyché ou son dieu.

Pour le pélerin qui a navigué aujourd’hui aux quatre coins de la planète psychologique (celle des "profondeurs", du "behaviorisme", des "humanistes", du "cognitivisme", etc), il s’agit de prendre quelque recul sur ses lectures ou sur l’utilitaire quotidien, pour faire le tour de plusieurs "fonctions" psychologiques qui constituent toute personnalité.

Carl JUNG disait : "j’entends par fonction psychologique une certaine forme d’activité psychique qui malgré le changementdes circonstances reste en principe semblable à elle-même". Ainsi des fonctions courantes concernent le je sens, je me meus, je m’émeus, je ressens, je pense ou autre... Le Moi est une grande fonction intégratrice de ces fonctions composant ma personnalité.

Aujourd’hui les études et recherches "fonctionnelles" portent sur les relations entre fonctions psy et structures biologiques (particulièrement neuronales, sinon biochimiques), sur la variabilité et la plasticité des fonctions, sur leur statut causal et leur rôle explicatif.

2 — Commençons notre chemin par celui qui traverse le CHAMP de CONSCIENCE.

Ce terme de conscience — d’ailleurs "l’un des plus difficiles à définir" dit Comte-Sponville — se heurte à la problématique de l’auto-définition. L’adage bouddhiste n’énonce-t-il pas : "un couteau ne peut se couper lui-même", de même qu’Auguste Comte n’affirme-t-il pas que "personne ne peut se mettre à la fenêtre et se regarder passer dans la rue" ?

Grande fonction intégratrice, la conscience (transitive) est cette "relation intériorisée qu’un sujet est capable d’établir avec lui-même ou avec le monde dans lequel il vit". Pragmatique, l’anglais dit “consciousness is the quality of being aware of an external object or something within oneself”.

Disons avec bon sens et quand on ne dort pas, "je suis conscient de... = je me rends compte de..." Même si le cerveau est l’organe à travers lequel la conscience se manifeste mais il n’est pas ce qui produit la conscience, assurent les chercheurs...

Dans le champ couvert par ma conscience, les fonctions psychologiques le plus souvent explorées concernent : je sens - je bouge (couple sensorimoteur), je m’émeus, je ressens, je pense, je dis (avec plusieurs langages), je raisonne, je crée, je prends plaisir, tout cela si je le veux ou pas !

Notre chemin de découverte commence avec ...

01 Je sens — les Sensations 

(Sensations) m’informent du milieu ambiant.

Cette fonction psychologique vitale transmet et véhicule les messages donnés par l’extérieur via les cinq sens : vue, toucher, ouïe, odorat et goût ayant respectivement pour organes l’oeil, la peau, l’oreille, le nez, les papilles et pour stimuli la lumière, le contact (pression, température, douleur), les ondes sonores, les substances gazeuses, les substances dissoutes.

Mais il est bien d’autres sensations : sens de l’observation, du temps, de l’orientation, de la vitesse, de l’accélération, sensations vaso-motrices (troubles circulatoires), coenesthésiques (impression générale, équilibre), extra-sensorialité même...

02 Je bouge — la Motricité 

(Motricity), qui va de la détente à la tension.

La motricité manifeste l’activité de notre corps, elle n’est pas régulée (comme la sensation), elle est présente dans l’ici et maintenant. Elle se traduit par des réactions internes (couple sensori-moteur), par son immobilité, par sa détente, sa relaxation, par ses postures (concentration yoga, contemplation bouddhiste, méditation zen), par ses automatismes, par ses mouvements expressifs (attitudes), transitifs (actes) ou ludiques (jeux).

Survient alors sur le chemin un instant t ...

03 Je m’émeus — l’Emotivité

(Emotions), ici et maintenant, accepte l’agréable (pleasant) ou rejette le déplaisant (unpleasant).

Les émotions, qui sont universelles, ex-priment (= font sortir) nos réactions affectives dans l’instant et dans une situation donnée, l’indifférence étant rare devant la spontanéité (l’authenticité) manifestée.

Sujet d’intérêt depuis l’émergence de la psychologie humaniste en 1950-1960 ("l’émotionnel" étant actuellement dominant !), des études ont montré que (en 1959 et 1964) :

- dans la même situation (émouvante), les individus présentent des réponses émotives différentes ;

- face à différentes situations (émouvantes), un individu tend à présenter un même patron (pattern), relativement stable, de réponses émotives (inconnu de la plupart des gens) ;

- il existe un nombre très limité de réponses émotives humaines (une douzaine), "adjacentes" les unes aux autres via des axes affectifs et expressifs opposés.

précédant une durée du ...

04 J’aime ! — les senTiments

(Feelings) sont des jugements de valeur selon une logique de l’agréable (pleasant) ou non.

Le sentiment est toujours un état d’âme à propos de quelqu’un ou de quelque chose ; contrairement à l’émotion, fugace, il dure (plus ou moins). Il provient soit d’une sensation, qu’il colore de tonalités affectives (en anglais to feel = sentir + ressentir), soit de l’inconscient (pulsion ou désir) où il plonge ses racines.

C’est un véritable "jugement" du coeur qui établit sa propre échelle de valeurs selon une logique affective irrationnelle parce qu’elle n’a pas besoin de comprendre ("le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point" a prévenu Pascal, adage traitant de la religion mais que le peuple, dans son bon sens, a attribué à l’ordre du coeur).

Ce jugement s’applique à des affections primaires (humeur, tourment, malêtre, lassitude, bien-être...), à des affections secondaires ou "inclinations" (état d’âme, attente... aussi bien qu’allant, dynamisme), à des sentiments touchant au moi (moi équilibré, sentiments d’infériorité, de supériorité).

Il s’applique surtout aux sentiments sociaux : affection, tendresse, sympathie, respect de l’autre, amitié, amour... ou déception, ressentiment, jalousie, vengeance.

Dans les "grands" sentiments, la psychologie ignore ceux moraux, politiques ou religieux pour ne considérer que les esthétiques.

Quittant le corps (à ses niveaux physique et affectif), le chemin monte à l’esprit, parle et réfléchit...

05 Je pense — les peNsées 

(Thoughts) perçoivent, se représentent, connaissent.

Cette fonction est réputée caractéristique de l’homme : il s’agit de la cognition au sens large (champ de l’Informatique, de l’Intelligence Artificielle, du cognitivisme depuis 1955).

Elle concerne insights et intuition (compréhension spontanée), rêves, états de conscience, percepts, représentations (classification, comparaison) et fonctions mentales (conceptualisation, mémorisation, réseau de connaissances) et 7 opérations dites "intelligentes" ; abstraire, apprendre, chercher, résoudre, modéliser, décider, se tromper (de fait retour d’expérience pour corriger son erreur).

06 Je dis = logos, au triple sens grec de parole, "discours" logique et relation — les lanGages

(Languages) codent l’information en message ET établissent un lien humain.

La langue ("maternelle", "étrangère(s)" en surcouche) est le vecteur expressif fondamental. Nous utilisons ce matériau, plus ou moins "riche", à notre guise et de façon personnalisée.

Jakobson a montré (1960) que nous communiquons grâce à 6 fonctions du langage :
 - 3 fonctions (expressive, conative et phatique) pour établir (et maintenir) la LIAISON humaine,
 - 3 autres (référentielle, poétique, métalinguistique) servant au CONTENU du message.

07 Je réfléchis — la logiQue d’action

(Logic of action) marque d’abord une
pause, concentre son attention, examine (la question, le problème) puis
raisonne et pèse les arguments en vue d’une action transitive (c’est-à-dire orientée vers un but rationnel).

Le "logicien" raisonne toujours de façon "balancée". Les raisonnements sont de type déduction
<=> induction, analyse
<=> synthèse, diagnostic
<=> pronostic, du fait au fait ou de cause à effet, par analogies, etc.

Remarquons que la « démo » (démonstration), non balancée, donc unilatérale, n’est pas un vrai raisonnement !

Mais difficultés et problèmes rencontrés incitent le chemin à passer par l’imagination constructrice...

08 Je crée — la Créativité 

(Creativity) est l’imagination qui positive, qui fait découvrir des choses nouvelles.

Cette fonction permet de combiner des élements pré-existants en arrangements nouveaux. Chargée d’émotion spontanée, la démarche devient "poétique" au sens grec, c’est-à-dire créatrice, imprévue, nouvelle.
Ce qui suppose 3 postulats :

- l’élément émotionnel (to feel) est essentiel ;

- ses éléments irrationnels ne doivent pas être des freins (a brake) ;

- les processus qui sous-tendent la créativité peuvent être développés.

L’école américaine, toujours pratique, se base sur ces trois postulats et définit ainsi les voies de la CREATIVITY = Combine, Reverse, Enlarge, Adapt, (get) Tinier, Instead of, View point of, In other way, To other use and big Yes (= why not?).

... et sur ce chemin de l’AGIR, il manque à l’action logiQue et Créative le plaiZir... pour qu’elle soit "pleine" !

09 Je prends plaiZir — le plaiZir

(Pleasure), toujours physique, est une décharge d’énergie.

Les plaisirs ne se prennent, ne se "cueillent" que dans l’action !

Le Lustprinzip (principe de plaisir de Freud) est primaire (c’est-à-dire physique) : l’organisme tend à éviter le déplaisir (réduction des tensions) sans besoin de s’ajuster à la réalité (le principe de réalité est secondaire).

Le corps "en santé", programmé pour fuir la douleur, s’excite localement et vibre dans sa totalité. Il y a recherche d’une décharge de l’excitation accumulée... qui peut être partagée.

Concept psychologique qui a connu une histoire mouvementée à travers les siècles en Occident et n’a émergé dans la culture "grand public" que depuis 1968 !

Dernière question dans le champ de conscience : tout celà, "tu veux ou tu veux pas" ?

10 Je veux — la Volonté 

(Willingness) ne fait qu’un avec l’acte transitif.

Elle est un processus qui délibère de façon dynamique à partir de besoins, qui organise et opère un choix en vue d’actions destinées à atteindre intentionnellement un but préétabli.

La formation du vouloir (volonté en délibération) et son application (décision-passage à l’acte) intéresse aujourd’hui chercheurs “cognitifs” et de “neurosciences”, qui approfondissent le processus de “VOLITION” et même celui du “noloir” (= ne pas vouloir).

Nous sommes très loin des spéculations auxquelles cette "magicienne de l’âme" (Jung) s’est prêtée : puissance de “l’idée”, du “pensé” qui s’impose et s’affirme (chez Spinoza) ; désir “absolu mais en notre pouvoir” (chez Condillac) ; “libre arbitre” infini (chez Descartes) ; force et effort agissants (chez Maine de Biran) ; force “additionnelle et préalable, ante rem” (chez James) ; “puissance volitive” (chez Locke) ; “élan vital” (chez Bergson)...

La bonne (ou mauvaise) volonté , si largement répartie, est déjà une “disposition à agir” (ou non). A volonté signifie faire “autant qu’on le veut” ou “comme on veut”. Vouloir sans agir, est-ce encore vouloir ? s’interrogeaient déjà les stoïciens pour qui volonté= puissance d’agir. Peut-on alors agir sans espérer : oui, et c’est ce qu’ils appellaient la vertu ! Car la volonté ne fait qu’un avec l’acte dans l’acte volontaire, dit “transitif” par opposition à d’autres actes (réflexes, expressifs, impulsifs, ludiques voire gratuits).

L’action humaine a cette caractéristique d’être soumise au régime de la finitude. Parce que liée à l’action, la volonté s’inscrit dans les conditions du monde, dans le contingent (ce qui arrive qui aurait pu ne pas arriver). Parce que liée à l’humain, la volonté répond à des conditions précises d’incarnation. Elle ne saurait rester un pur fait intérieur (illusion d’un "librearbitre" cartésien) !

Entre l’intention voulante et l’effectivité de la conduite se détermine l’acte volontaire. Pour chacun de nous, il s’agit de transformer une puissance en pouvoir efficace. Pour l’individu motivé prêt à l’action agir volontairement c’est d’abord "savoir ce que l’on veut" !

L’intentionnalité n’est ni un désir ni une impulsion mais la recherche de satisfaction d’un besoin réel. L’intention d’agir n’étant efficiente qu’avec le passage à l’acte, elle oblige à estimer les risques et à se donner les moyens d’exécution intelligente.

Et dans le champ de conscience, la volonté facilite comme elle peut "bloquer" certaines liaisons entre différentes fonctions. Mais elle participe toujours à l’intégration de la personnalité.

Et le chemin continue… par l’Ouverture de la conscience aux Mondes qui l’entourent.

 

Jacques d’Oc, décembre 2016.